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Article du 3 juin 2010

La tentation du Revenu d'Existence

 

« Si j'étais machiavélique ou simplement avide de pouvoir et d'argent, je dirais assez rapidement OUI à l'instauration d'un Revenu d'Existence en France et même en Europe. Car même avec un niveau supérieur au SMIG, j'en tirerais à terme de gros bénéfices et j'augmenterais mon emprise sur le monde économico-politique. »

En imaginant qu'on trouve des montages financiers pour généraliser le Revenu d'Existence, des problèmes vont immédiatement surgir.

Les consommateurs ayant plus d'argent, les commerçants et producteurs pourront enfin augmenter (légèrement) les prix. Les consommateurs seront tout de même contents, car ils pourront acheter plus qu'avant. Le pouvoir d'achat sera en partie absorbé par la distribution. Les exemples de récupération des avancées sociales par le marché sont nombreux.[1]

Car pour avoir un revenu complémentaire basé sur un travail, il faudra conserver son travail. Ce qui obligera toujours les travailleurs à forcer les consommateurs à acheter. Même si l'on produit déjà trop, on devra continuer la surenchère.

Tout ceci sera amplifié par la nécessité de croissance monétaire exponentielle. Cf. Argent Dette[2].

Un Revenu d'Existence dans le capitalisme conduit inévitablement à une récupération de la manne par le marché et ne supprime pas la croissance illimitée. Ce qui veut dire que tôt ou tard, la majorité des gens seront dans les mêmes difficultés qu'aujourd'hui. Pire, ils penseront que le Revenu d'Existence était un leurre, comme pour le partage du travail dont les gens sont dégoûtés. Seuls quelques riches seront encore plus riches.

Certains préconisent un Revenu Maximum Autorisé. En quoi ce RMA changera t-il la donne ? Limiter la dérive n'empêche pas la dérive, ne prenons pas des vessies pour des lanternes. Mais surtout : si une majorité démocratique avait le pouvoir de limiter les revenus des plus riches, n'aurait-elle pas la possibilité d'instaurer un Revenu unique Distributiste ?

Ce revenu nous épargnerait bien des négociations et pertes de temps (à tenter de tirer la couverture à soi). Unique, équitable et égalitaire (à moins qu'on explique comment rendre légitime des revenus inégaux[3]), il serait techniquement très facile à mettre en oeuvre : basé sur la production du mois (elle-même basée sur la consommation des gens des mois précédents, libérée de la publicité et de la nécessité de croissance) et versé en monnaie distributive (non thésaurisable et non spéculative, libérée de l'obligation de croissance exponentielle)[4].

Si j'étais avide de pouvoir et d'argent ou machiavélique, je mettrais vite en place le Revenu d'Existence, pour que les gens ne découvrent pas le Revenu unique Distributiste. Car avec lui, tout le monde pourrait profiter des richesses, gérer équitablement et écologiquement les pénuries... Je ne pourrais plus m'accaparer la Vie des gens.



[1]           Le système dominant, ce n'est pas seulement les gros capitalistes, c'est aussi vous et moi, qui avons besoin de nous battre pour assurer nos fins de mois, ou plus précisément, qui sommes obligés d'être rentables économiquement. En Europe, l'augmentation des prix au passage de l'Euro a débuté non par les grosses sommes, mais par les prix des petites choses dans nos magasins, cafés, marchés de quartier : et ce sont beaucoup de petites gens qui ont dès le 1er janvier converti les prix à la dizaine de centimes supérieure.

                Autre exemple, en France dans les années 1992-93 : la suppression des conditions de ressources dans l'attribution des aides au logement aux étudiants a immédiatement fait grimper les prix des loyers du montant de l'aide, les propriétaires commentant l'augmentation par le propos laconique « ça ne change rien pour vous, locataire, vous payez toujours la même chose ». Les propriétaires ont donc directement récupéré cette aide, initialement destinée aux étudiants (la question du côté social ou non de cette mesure n'est pas discuté ici). Or, les propriétaires, ce sont beaucoup de petites gens comme vous et moi.

[2]              Cf. bibliographie sur http://ecodistributive.chez-alice.fr/index.php?page=liens

[3]              Comment légitimer des revenus inégaux ? La productivité n'est pas un bon critère, car on ne peut pas comparer sérieusement deux travailleurs (qui sont forcement dans des cadres différents, avec des aléas différents). La responsabilité non plus, car le chauffeur de bus a plus de vies en jeux qu'un médecin. D'autant que les études deviennent plus agréables grâce au Revenu unique Distributiste.

[4]              Plus de précisions à la page www.lecolibri.org/economies/aller-plus-loin-dans-l-economie-distributive